Franz Schubert
STÄNDCHEN
Schubert accompagnant Vogl : Dessin de Moritz von Schwind Rarement dans l'histoire de la musique on a vu une relation si productive entre un compositeur et un interprète. Vogl continua de chanter la musique de Schubert après la mort du compositeur (en 1828). Il mourut peu après avoir interprété l'intégrale des Winterreise.
Cette sérénade a été composée sur un poème de Ludwig Rellstab (Berlin 13 avril 1799 - 27 novembre 1860) Il s’agit du 4ème des 14 Lieder du recueil posthume de Schubert Le Chant du cygne (Schwanengesang), D 957, Ständchen a été composé en août 1828, peu de temps avant la mort du compositeur, le 19 novembre 1828, à 31 ans seulement.
Ami de Schubert, grand interprète des Lieder En 1813, Schubert, assistant à une représentation de Iphigénie en Tauride de Gluck dans laquelle Vogl chantait le rôle d'Oreste, fut vivement impressionné par le chanteur, et décida d'écrire pour lui. On raconte que, l'année suivante, Schubert, âgé de 17 ans, vendit ses livres de classe pour entendre Vogl chanter Don Pizarro à la première représentation de la version finale de Fidelio de Beethoven.
1819
illustration de Joseph Severn, 1845 Schubert et Vogl finirent par se rencontrer en 1817, et de leur admiration mutuelle naquit une grande partie des 600 lieder qu'a composés Schubert, écrite à l'intention du chanteur, et notamment le fameux Erlkönig (Le Roi des aulnes), que Vogl interpréta triomphalement pour la première fois le 7 mars 1821.
Ständchen
À travers la nuit s'élève tout bas
Vers toi la supplique de mes chants;
Ô ma mie, descends donc me rejoindre
Dans la paix du bosquet !
En un murmure bruissent les frêles cimes
Sous la clarté de la lune;
Ne crains point, mon aimée,
Que de traîtres yeux nous épient.
Entends-tu les rossignols?
Hélas! voici qu'ils t'implorent,
Qu'ils t'adressent en mon nom
La douce plainte de leur mélodie.
Ils savent ce qu'est l'ardeur,
Connaissent le mal d'amour,
Et de leur timbre argentin
Touchent chaque tendre coeur.
Que ton coeur s'émeuve de même,
Ô ma mie, écoute-moi!
Je t'attends avec fièvre!
Viens, comble-moi!
Les Lieder de Schubert
Schubert à sa mort laisse derrière lui un millier d'oeuvres.
La publication de œuvres de Schubert s'étendra sur tout le xixe siècle ; elle sera virtuellement terminée avec l'achèvement de la Première édition complète, réalisée sous la direction de Johannes Brahms pour son centenaire en 1897. Une nouvelle édition complète (Neue Schubert Ausgabe) est en cours.
La partie centrale de son répertoire constitue ses plus de six cents lieder, composés sur des textes des plus grands poètes de la langue allemande (Klopstock, Goethe, Schiller, Rückert, Heine), de ses amis (Johann Mayrhofer, Karl Theodor Körner, Joseph von Spaun, Franz von Schober, Johann Chrysostomus Senn, Matthäus Kasimir von Collin), de poètes étrangers tels que Walter Scott, William Shakespeare ou Pétrarque ou encore de poètes dont la notoriété est due à ses lieder (Wilhelm Müller).
Le baryton Johann Michael Vogl, très célèbre à l'époque, devenu l'ami et l'admirateur de Schubert, a largement contribué à faire connaître les lieder, tout comme le baron Carl von Schönstein et la cantatrice Anna Milder. Certains lieder connaîtront même un succès retentissant.
Schwanengesang
Schwanengesang (en français Le Chant du cygne) de Franz Schubert, D 957, est un recueil posthume de quatorze lieder sur des poèmes de Ludwig Rellstab, Heinrich Heine et Johann Gabriel Seidl (1804 - 1875). Le recueil fut ainsi nommé par son premier éditeur, Haslinger, qui souhaitait probablement le présenter comme le testament artistique de Schubert. Il avait mis côte à côte deux recueils, sans liens directs, puis ajouté un quatorzième, sans doute pour éviter le chiffre 13 et terminer le recueil sur une note moins sombre.
Il est donc difficile de trouver une unité dans ces lieder. Contrairement à ceux des deux autres cycles – La Belle Meunière possède une unité thématique liée à l'histoire qu'il raconte, qui donne à l'ensemble une cohérence musicale, tandis que les lieder de Voyage d'hiversont unis par le style, sombre et dépressif, réflexion sur la mort et le néant – les lieder de Schwanengesang sont tour à tour légers et tranquilles (Frühlingssehnsucht, Die Taubenpost), dramatiques (der Atlas), voire hallucinés (Die Stadt, der Doppelgänger). Les thèmes abordés par les poèmes sont nombreux : le monde et la nature, les errances hallucinatoires du personnage, la nostalgie. Le style musical est très varié, passant de la mélancolie (Ihr Bild, Das Fischermädchen) au lyrisme élégiaque de Ständchen, de la noirceur décidée (Aufenthalt, Der Atlas, Die Stadt) au ton joyeux et léger de Abschied et du merveilleux Die Taubenpost (Le pigeon Voyageur) , qui clôt le recueil et est souvent considéré comme la dernière composition de Schubert.
Rellstab est également connu pour avoir donné le surnom de Clair de lune à la célèbre Sonate pour piano no 14 de Beethoven.
[...] Tendre est la nuit,
Et il se peut que sur son trône la Reine Lune
Se drape d'un essaim féérique d'étoiles ;
Pourtant ici nulle lumière,
Sinon ce qui nous vient des cieux avec les brises
Et court sur les chemins moussus, dans les ténèbres.
Je ne puis distinguer ni les fleurs à mes pieds,
Ni l'encens délicat flottant dans la ramure,
Mais dans l'obscur embaumé je perçois chaque effluve
Que répand alentour la saison opportune,
Sur l'herbe, le hallier, les baies sauvages,
La blanche aubépine et l'églantier pastoral,
Et l'éphémère violette sous les feuilles ;
Et sur la fille aînée du mois de Mai,
La rose musquée qui déborde de rosée enivrante,
Annonçant les soirées bourdonnantes d'été.
J'écoute sombrement ; c'est vrai que souvent,
A moitié amoureux de la Mort consolante,
Dans plus d'un vers rêveur je l'ai nommée tendrement,
Qu'elle emporte dans les airs mon souffle apaisé ;
Maintenant plus que jamais, mourir semble une fête,
Cesser d'exister, sans douleur, à minuit,
Au moment même, Rossignol, où en pareille extase
Tu donnes libre cours à ton âme !
Et toujours tu chanterais, mais vainement,
Ton haut requiem au gazon de ma tombe [..]
Traduction nouvelle : A.PRAUD, juin 2010
[...]Tender is the night,
And haply the Queen-Moon is on her throne,
Cluster'd around by all her starry Fays;
But here there is no light,
Save what from heaven is with the breezes blown
Through verdurous glooms and winding mossy ways.
I cannot see what flowers are at my feet,
Nor what soft incense hangs upon the boughs,
But, in embalmed darkness, guess each sweet
Wherewith the seasonable month endows
The grass, the thicket, and the fruit-tree wild;
White hawthorn, and the pastoral eglantine;
Fast fading violets cover'd up in leaves;
And mid-May's eldest child,
The coming musk-rose, full of dewy wine,
The murmurous haunt of flies on summer eves.
Darkling I listen; and, for many a time
I have been half in love with easeful Death,
Call'd him soft names in many a mused rhyme,
To take into the air my quiet breath;
Now more than ever seems it rich to die,
To cease upon the midnight with no pain,
While thou art pouring forth thy soul abroad
In such an ecstasy!
Still wouldst thou sing, and I have ears in vain—
To thy high requiem become a sod.