Ludwig van Beethoven (1770-1827)
VARIATIONS EROÏCA (1802)
Les Variations héroïques (ou Variations « eroica ») op. 351 de Ludwig van Beethoven, sont un cycle de quinze variations et une fugue en mi bémol majeur sur un thème commun à son ballet Les Créatures de Prométhée, la septième de ses 12 Contredanses, WoO 14 (1800 – 1802), et à sa Symphonie nº 3 (composée un an plus tard). Composées en 1802 à Leipzig, elles sont dédiées au comte Moritz von Lichnowski, frère du prince Carl Alois de Lichnowsky, admirateur de Beethoven et grand mélomane comme lui.
La composition de l′œuvre est contemporaine de celle du Concerto pour piano nº 3, de la Symphonie nº 2 et des « petites » Variations op. 34, sûrement achevées la même année
Karl Alois Johann-Nepomuk Vinzenz, Fürst Lichnowsky (21 juin 1761 – 15 avril 1814), aussi connu comme Carl Alois, Fürst von Lichnowsky-Woschütz, second Prince Lichnowsky, était un chambellan à la cour impériale autrichienne. De nombreuses compositions musicales du compositeur Ludwig van Beethoven furent dédiées au Prince Lichnowsky pour son mécenat, son amitié, et sa générosité dont bénéficia Beethoven.
Le prince Lichnowsky fut brièvement l'élève de Mozart, avant de lui intenter un procès pour dettes l'année de la mort du compositeur. Sa femme Christine était considérée comme l'une des meilleures pianistes viennoises de l'époque.
Lichnowsky ayant menacé de mettre Beethoven aux arrêts s’il s’obstinait à refuser de jouer du piano pour des officiers français stationnés dans son château (la Silésie était occupée par l’armée napoléonienne depuis Austerlitz), le compositeur quitte son hôte après une violente querelle et lui envoie un billet qui se passe de tout commentaire (octobre 1806) :
« Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »
Lien entre Les Métamorphoses, les Variations Eroïca et la Symphonie Héroïque
La symphonie n°3 de Beethoven , dite "Héroïque" est, parmi toutes les symphonies du répertoire, une des plus belles et des plus grandes de l’histoire.
Ebauchée à Heiligenstadt en 1802 (l'année même du Testament qui traduit la prise de conscience par Beethoven de son irrémédiable surdité), cette symphonie fut achevée à Vienne en mai 1804.
Elle devait à l’origine s’appeler "Bonaparte", celui-ci étant encore Premier Consul et admiré par Beethoven.
Mais quand il apprit le couronnement impérial de son héros, Beethoven entra en grande colère, arracha la première page de son manuscrit et nomma son œuvre "Sinfonia eroïca".
Dédiée au Prince Lobkowitz, elle fut jouée, en privé, pour la première fois, en août 1804 et une seconde fois en décembre de la même année.
La première exécution publique fut donnée au théâtre "An der Wien" le dimanche 7 avril 1805. Beethoven dirigeait l’orchestre. Le public Viennois fut médusé, stupéfait par la longueur démesurée de l’œuvre et la nouveauté de son style. Les critiques la jugèrent "assommante, interminable et décousue, surchargée, incompréhensible et beaucoup trop bruyante".
C’était une œuvre révolutionnaire pour l’époque, ne serait-ce que par sa durée avoisinant les 50 minutes : jamais une symphonie n’avait excédé 30 minutes. On a parlé d’œuvre "colossale".
Orchestration et structure de l'Héroïque (Eroïca)
L’orchestration comporte : les cordes, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 3 cors, 2 trompettes et timbales. Les bois ont un rôle majeur dans l’énoncé des thèmes. Les interventions des 3 cors sont très importantes, et, à plusieurs reprises, ils jouent à découvert et chantent les thèmes. Les trompettes et timbales contribuent au caractère martial de maints passages.
La symphonie conserve la forme classique en 4 mouvements. Une analyse détaillée n’est pas envisagée dans le cadre de cette présentation et nous nous contenterons simplement d’éclairer le lien entre cette partition monumentale, les Variations Eroïca (voir le 4ème mouvement de la symphonie) et la reprise par Richard Strauss du motif de la marche funèbre (2ème mouvement).
Deuxième mouvement
Marcia funebre : adagio assai. (ut mineur, 2/4) = 247 mesures.
Déjà, dans la sonate pour piano en la bémol, opus 26, datant de 1802, Beethoven avait écrit en guise d’adagio, une "marche funèbre pour célébrer le souvenir d’un héros".
Ce deuxième mouvement de la Troisième symphonie est de forme tripartite : les deux sections extrêmes, en ut mineur, encadrent un épisode central en ut majeur. Le thème de cette marche funèbre est d’abord exposé par les premiers violons, sur des accents rythmiques aux basses (on a pu évoquer des roulements de tambour). Il est ensuite repris par le hautbois plaintif.
Quatrième mouvement
Finale : allegro molto. (2/4)=473 mesures.
Le mouvement débute par une entrée impétueuse des cordes produisant un impact sonore foudroyant et est suivi de pizzicati annonçant le thème.
Beethoven devait particulièrement affectionner ce thème de danse, en effet, on le trouve :
1- dans sa série de Douze contredanses pour orchestre, WoO 14 ; c’est la n°7, en mi bémol, datant de 1801 ;
2- dans le finale de son ballet Les Créatures de Prométhée, opus 43 (1801) ;
3- dans les Quinze Variations et une fugue, pour piano, en mi bémol, opus 35, appelées d’ailleurs : Variations eroïca (1802).
Dans le grand finale de la Symphonie Eroïca, ce thème est développé en douze variations, avec une stupéfiante liberté d’invention. Ces variations s’enchaînent et il est difficile de les distinguer. A partir de la neuvième variation, le tempo devient subitement lent poco andante, rompant avec la fougue du mouvement. Ce long passage lent constitue une pratique nouvelle et a de quoi laisser l’auditeur étonné et perplexe. Suit la douzième variation, constituée d’un presto, rappelant la fulgurance de l’introduction du finale et concluant brillamment la symphonie.
Cette Troisième Symphonie, malgré sa longueur, contribua à propager le nom de Beethoven symphoniste, d’abord en Allemagne puis dans le monde entier.
De plus, pour la première fois un compositeur a chanté l’héroïsme et personne, après lui, nul n’a su retrouver ce souffle épique.
Lorsqu’on demanda à Beethoven, un jour de 1817, laquelle de ses symphonies il préférait, il répondit : "l’Eroïca", et lorsque l’interlocuteur, le poète Christophe Küffner, lui dit : "J’aurais cru l’ut mineur", il répliqua : "Non, non, l’Eroïca".
Beethoven, Bonaparte et la Symphonie Héroïque
« En écrivant cette symphonie, dit Ries, Beethoven avait, en effet, pensé à Bonaparte , qui n'était alors que premier consul. Il avait une estime extraordinaire pour le caractère du héros et le mettait volontiers en parallèle avec les magistrats les plus illustres de la république romaine. »
Mais, en apprenant que son idole s'était fait proclamer empereur, l'enthousiasme de Beethoven se résolut en une violente indignation. Ce fut Ries qui lui en apporta la première nouvelle.
« Eh, quoi ! s'écria Beethoven, ce héros n'est donc rien de plus qu'une âme vulgaire ! Il foule aux pieds tous les droits de l'humanité et n'écoute plus que la voix de son ambition !.,. » Et d'un bond furieux, il courut à la table où s'étalait la copie de sa symphonie, et, lacérant la première page, qui portait le nom de Bonaparte, il la jeta dédaigneusement dans les cendres. Le titre arraché fut, par la suite, remplacé par un page vierge, et c'est ainsi que la Symphonie Bonaparte devint tout simplement la Symphonie héroïque.
La véracité de ces faits, attestée par Ries et par le comte Maurice Lichnowsky, dont Schindler a recueilli le témoignage, est d'ailleurs confirmée par l'examen du manuscrit original. Cette précieuse relique fut adjugée, à la vente de Beethoven, au compositeur Joseph Dessauer, pour la somme dérisoire de 3 florins et 10 kreutzer. Le titre de ce manuscrit porte , à côté de quelques indications accessoires, ces mots :
SINFONIA GRANDE
ciel Sgr Louis van Beethoven.
Sous cette indication, Sinfonia grande, deux mots ont été rayés; mais, sous l'épaisse couche d'encre, on distingue le nom de Bonaparte. Une indication au crayon, de la main de Beethoven, sous sa signature, porte encore très-lisiblement : « Cette symphonie a été écrite sur Bonaparte. »
Malgré les différentes explications qu'on a tenté de donner de cette oeuvre monumentale, il est donc bien évident qu'elle a été inspirée par l'admiration que Beethoven avait conçue pour le génie de Napoléon. Le maître lui-même le reconnut encore, à la fin de sa carrière, lorsque Sainte-Hélène l'eut réconcilié avec l'empereur captif. « Voyez, s'écria-t-il, n'avais-je pas prévu la catastrophe en écrivant la marche funèbre de la symphonie héroïque? »
Source : Le Ménestrel, journal de musique, 18 novembre 1877
Beethoven, Les Créatures de Prométhée, ballet commandé et créé par le chorégraphe italien Salvatore Viganò (Vienne, 1801)
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