Joseph HAYDN
(1732-1809)
Les Sept dernières paroles du Christ en croix
Les Sept paroles de Jésus en croix (appelées également les Sept Dernières Paroles du Christ) sont une série de courtes phrases que le Nouveau Testament, dans la tradition chrétienne, attribue à Jésus alors qu’il se trouvait crucifié, et qu'il a prononcées juste avant sa mort. Elles sont tirées des quatre évangiles et ont conduit au développement d’une spiritualité de la croix qui s’exprima en de nombreux commentaires spirituels. Leur chronologie exacte ne peut être établie. Ces « sept paroles » ont inspiré de nombreux musiciens.
Les textes suivants sont tirés de la Traduction œcuménique de la Bible :
-
Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font (Lc 23,34) prononcée immédiatement après son crucifiement entre deux malfaiteurs. Jésus demande ce pardon pour ceux qui ont participé à sa condamnation et exécution.
-
En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis (Lc 23,43) adressée à un des deux malfaiteurs, en réponse à sa demande souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. La tradition se souvient de lui comme du bon larron, reconnu par l'Église comme Saint Dismas.
-
Femme, voici ton fils. Et à Jean : Voici ta mère (Jean 19,26–27) adressées à sa mère et son disciple Jean. Au-delà du devoir filial ainsi accompli, la tradition a perçu ces mots comme la maternité spirituelle de Marie vis-à-vis des croyants représentés par le « disciple qu’il aimait ».
-
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Mc 15,34 et Mt 27,46) crié « à voix forte » en araméen Eloï, Eloï, lama sabbaqthani ? (Ps 22:2) Souffrance suprême du sentiment d’abandon : la nuit obscure de l’homme Jésus, qui pourtant cite un psaume qui s'achève sur la réhabilitation du juste1 – et la mort survient à la neuvième heure (trois heures de l'après-midi)2.
-
J’ai soif (Jn 19,28) prononcée « pour que l’Écriture soit accomplie jusqu’au bout », commente l’évangéliste. Jésus cite le psaume 69:22 : ils m’ont donné du poison à manger, et pour boire, du vinaigre lorsque j’avais soif.
-
Tout est achevé (Jn 19,30) prononcée après qu’il eut pris le vinaigre. Mission accomplie et paix retrouvée.
-
Jésus poussa un grand cri : Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46). Et sur ces mots il expira. C’est au Père que se rapporte la dernière parole de Jésus comme le fut sa première : Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? (Lc 2,49).
Du Texte aux textes
Die sieben letzten Worte unseres Erlösers am Kreuze (Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix, titre original : Musica instrumentale sopra le sette ultime parole del nostro Redentore in croce).
Commandée à Joseph Haydn en 1786, cette œuvre fut d'abord écrite pour orchestre , puis réécrite pour quatuor à cordes (l'opus 51) en 1786-1787. Une réduction pour clavier en a été faite avec l'approbation de Joseph Haydn, enfin elle fut reprise par le compositeur sous forme d'oratorio (pour quatre voix solistes, chœur mixte et orchestre) en 1795-1796.
La version pour quatuor à cordes est la plus fréquemment exécutée de nos jours.
Il s'agit à l'origine d'une commande pour la semaine sainte de 1786 pour l'office du Vendredi saint de l'église Santa Cueva de Cadix en Espagne : le prêtre devait citer chaque parole du Christ, suivi par un accompagnement musical. Il s'agit ainsi de l'une des premières commandes au compositeur provenant de l'étranger. Haydn complète l'ensemble par une introduction et un finale, le terremoto ou tremblement de terre. Cette première version ne comprenait donc pas de partie vocale. La création eut lieu à l'église de Santa Cueva de Cadix en 1787.
Haydn reprend la partition sous forme de neuf mouvements de quatuor dont chacun porte en épigraphe l'une des paroles du Christ en latin. L'œuvre est créée en 1787 à Vienne en Autriche. Une réduction pour piano en est faite cette même année, non par le compositeur, mais approuvée par lui.
En 1792, le chanoine Joseph Friberth en fait une version chantée sur un texte en allemand qu'il écrit lui-même. Haydn découvre l'adaptation et reprend à nouveau la partition, aidé par le baron Gottfried van Swieten, Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix, en y acceptant les paroles de Friberth. Haydn y rajoute également un interlude adagio e cantabile en la mineur entre les quatrième et cinquième Paroles, joué exclusivement par les vents.
Cette nouvelle et dernière version, sous forme d'oratorio, date de 1795-1796. Son exécution demande un peu plus d'une heure.
«De midi jusqu'à trois heures de l'après-midi, il y eut des ténèbres sur tout le pays.» (Matthieu 27.45) L'évangéliste ajoute certains détails dramatiques, y compris un tremblement de terre et la résurrection de plusieurs morts, qui étaient typiques de la littérature apocalyptique juive : « Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent. Étant sortis des sépulcres, après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes. Le centenier et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et ce qui venait d’arriver, furent saisis d’une grande frayeur, et dirent : Assurément, cet homme était Fils de Dieu. » Matthieu 27:45-54
L’ouverture des tombeaux est peut-être liée à la parabole des ossements desséchés, en Ézéchiel 37,12-13 : « Je vais ouvrir vos tombeaux; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. » Ce texte montre l’ouverture des tombeaux comme un symbole du retour du peuple d’Israël, après l’exil à Babylone. De façon similaire, le tremblement de terre peut nous orienter vers le texte de Zacharie 14,4-5, dans lequel l’arrivée des saints du ciel provoque un tremblement de terre et l’effondrement du mont des Oliviers, ces événements annonçant le jugement final de Dieu. Ces deux textes des Livres des Prophètes sont un arrière-plan utile pour mieux comprendre le récit de Matthieu.