"Almschi !"
Fille du peintre paysagiste Emil Jakob Schindler et de sa femme Anna Bergen, Alma grandit à Vienne. Parmi les amis de son père, on compte Gustav Klimt, à qui elle aurait donné son « premier baiser ».
Issue d'un milieu cultivé, musicienne, belle, intelligente, indépendante d'esprit, Alma est courtisée du Tout-Vienne. Elle fréquente quelques personnages éminents de la capitale, dont Klimt, le directeur de théâtre Max Burckhard et le compositeur Alexander von Zemlinsky. C'est en 1901, lors d'une soirée chez Bertha Zuckerkandl (belle-sœur de Georges Clemenceau) qu'elle fait la connaissance de Gustav Mahler arrivé à Vienne depuis peu. Un an après ils se marient. Alma et Gustav, de dix-neuf ans son aîné, mènent une vie de couple tumultueuse. C'est l'amour passion même si la nature possessive d'Alma et son aptitude à séduire tous les grands hommes passant sur son chemin mettent plusieurs fois en péril l'harmonie du couple. Son charme naturel et sa vivacité transforment Mahler qui rencontre, grâce à elle, d'éminents artistes comme le poète dramatique Gerhart Hauptmann, les peintres Gustav Klimt et Koloman Moser ou le chef de file de l'avant-garde musicale viennoise, Arnold Schönberg.
En épousant Mahler, il a été convenu qu'elle doit abandonner ses propres aspirations artistiques en musique et en peinture. Frustrée, souvent sacrifiée au travail d'un mari distrait et exigeant, Alma succombe au charme de l'architecte Walter Gropius, avec lequel elle s'engage dans une relation extra-conjugale. Mais le divorce est exclu. En raison de l'échec de leur relation conjugale que Mahler attribue à son âge, il consulte Sigmund Freud avec lequel il a de longues conversations. « Votre femme cherche son père dans l'homme qu'elle aime, vous êtes celui-là », lui dit-il. L'entretien semble avoir été d'un certain secours au compositeur qui écrit à sa femme « …Suis joyeux. Conversation intéressante… »3. De fait, Mahler recouvre « sa capacité d'amour » pour Alma durant les derniers mois de sa vie.
Alma a deux enfants avec Mahler, Maria (1902-1907), qui meurt des suites de la scarlatine compliquée d'une diphtérie, et Anna (1904-1988) qui deviendra sculpteur après avoir été l'élève de Giorgio Chirico, à Rome.
À la mort de Mahler, en 1911, d'une endocardite, une maladie du cœur rare, Alma, jeune veuve riche, est engagée, en novembre de la même année, comme assistante par le biologiste autrichien Paul Kammerer, qui devint son amant. Mais leur relation prend fin au printemps 1912. Pendant deux ans, Alma est la maîtresse de l'écrivain et peintre Oskar Kokoschka, qui, pour représenter leur amour, réalise la toile La Fiancée du vent. Effrayée par la passion qu'elle suscite en lui, Alma rompt avec Kokoschka, qui part pour Berlin.
Alma, qui, dans le même temps, fréquentait toujours Gropius, l'épouse en 1915, et de leur union naît Manon, en 1916. Cette dernière décède de la poliomyélite en 1935, à l'âge de 18 ans. Le compositeur Alban Berg, grand ami d'Alma et qui aimait beaucoup Manon, dédie à sa mémoire le Concerto à la mémoire d'un ange. Dès 1919, Alma vit avec le romancier Franz Werfel. Enceinte de lui (elle a quarante ans), alors qu'elle est toujours mariée avec Gropius, elle divorce en 1920, mais leur enfant, Martin Carl Johannes, naît prématurément et meurt à dix mois. Elle épouse Werfel en 1929.
En 1938, Alma et Werfel fuient l'Anschluss et se réfugient en France, où ils trouvent asile auprès d'autres intellectuels exilés à Sanary-sur-Mer, dans le Var. Mais l'invasion et l'occupation de la France par les Allemands en 1940 les contraignent de nouveau à fuir avec l'aide du journaliste américain Varian Fry installé à Marseille. Ils franchissent à pied les Pyrénées pour se rendre en Espagne puis au Portugal d'où ils embarquent pour les États-Unis.
Ils s'installent à Los Angeles, où Werfel connaît le succès lorsque Le Chant de Bernadette est adapté au cinéma, avec notamment Jennifer Jones. Après la mort de Werfel en 1945, Alma retourne à New York, où elle devient une actrice culturelle majeure jusqu'à sa mort en 1964, à l'âge de 85 ans.
L'histoire de sa vie a été adaptée au cinéma dans le film de Bruce Beresford, Alma, la fiancée du vent. Elle a également été l'objet d'un best-seller de Françoise Giroud (Alma Mahler, ou l'art d'être aimée). Il est à noter que sa présence dans l'imaginaire public est davantage liée aux rencontres de sa vie amoureuse qu'à ses œuvres, un ensemble d'une centaine de lieder dont quatorze sont publiés et joués.