L'enfant de Hambourg
L'enfant de Hambourg
Johannes Brahms est le descendant d’une famille très ramifiée en Basse-Saxe, au nord de l’Allemagne. Sa mère, Johanna Henrika Christiana Nissen, était issue d'une famille pauvre et de dix-sept ans plus âgée que son père. Ce dernier, Johann Jakob Brahms, est artisan de profession et utilise la musique comme gagne-pain. Il joue du cor d'harmonie et plus tard, de la contrebasse. Il se produit dans des petits ensembles à Hambourg. Il donne ses premières leçons de musique à Johannes, qui déjà tout jeune, est attiré par tous les instruments de musique.
"La maison où Johannes Brahms est né existe encore aujourd'hui {en 1914, mais elle a été détruite depuis}. Elle porte le n° 6o de la « Speckstrasse » ; haute maison de cinq étages, les deux derniers dans le toit, à fenêtres juxtaposées sans interruption sur la façade ; un escalier obscur conduit à une foule de petits logements. Tout un monde de pauvres gens vivait là, entassé. Les murs étroits de la vieille cité mesuraient la place à la population qui s'accumulait ainsi dans de grandes bâtisses. Jakob et Johanna habitaient, au premier étage à gauche, trois misérables petites pièces." (Paul Landormy, Brahms, Librairie Félix Alcan, 1921)
Brahms suit ses premiers cours de piano dès l’âge de sept ans avec Otto Cossel, jusqu’à ses dix ans. Ce dernier le présente à son ancien professeur, Eduard Marxsen qui le forme de 1843 à 1853, avec l’ambition d’en faire un virtuose du piano, lui enseignant aussi l’harmonie et la composition. Il sera marqué à jamais par l’art de Johann Sebastian Bach, de Wolfgang Amadeus Mozart et de Ludwig van Beethoven. Ses talents de pianiste lui permettent d’honorer, dès l’âge de treize ans, des engagements dans les tavernes de Hambourg. Ses dons pour la composition sont visibles dès ses jeunes années : ses pièces pour piano, Fantaisie sur une valse populaire qu’il a composées en 1849 illustrent cette virtuosité. Plus tard, Brahms confie :
« Je composais continuellement. Je composais quand j’étais tranquille, chez moi, de bonne heure le matin. Le jour, j’arrangeais des marches pour des musiques de cuivres. Le soir, je jouais du piano dans les cabarets. »
En 1847, épuisé par ce travail constant pour lui et pour les autres, il est envoyé à la campagne pour s’y reposer. C’est là qu’il découvre la littérature. Toujours prêt à dépenser un sou chez le brocanteur pour acheter un livre : Sophocle, Dante, Cicéron, Le Tasse, Alexander Pope, Jean Paul, Klopstock, Lessing, Goethe, Friedrich von Schiller, Eichendorff, Adelbert von Chamisso… et également l’histoire de la belle Maguelone et du chevalier Pierre, que plus tard il mettra en musique.
Il fait la connaissance de la pianiste Louise Japha, une élève de Robert Schumann.
Le 21 septembre 1848, il donne son premier concert, qui inclut une fugue de Bach. Un deuxième concert suit le 14 avril 1849 : Brahms y joue la sonate opus 53 de Beethoven et des variations de sa composition. La critique commence à le remarquer en lui reconnaissant un talent peu ordinaire.
Sa ville natale, après l'avoir nommé citoyen d'honneur en 1889, rendra à Brahms un dernier hommage le jour de ses funérailles : ce jour d'avril 1897, dans le port de Hambourg, tous les bateaux ont mis leurs drapeaux en berne.
"Parallèlement à ses études classiques, le jeune Brahms, tenu de contribuer au maigre budget familial, se livra bientôt à des travaux pratiques qui absorbèrent la plus grande partie de son temps. Entre 12 et 20 ans, il enseigna, accompagna des chanteurs ou des spectacles de marionnettes au théâtre municipal, publia sous divers pseudonymes quantité de morceaux de danse et de fantaisie sur des airs à la mode, donna quelques concerts, joua de l'orgue à l'église et le soir, tint le piano dans des tavernes à matelots. C'est même dans ces lieux mal famés que l'adolescent assouvit une autre de ses passions, celle de la lecture : tout en « tapant » des valses et des polkas, il ne quittait pas des yeux un livre ouvert sur le piano. Puis il rentrait chez lui par le chemin des écoliers et se couchait à 3 heures du matin la tête pleine de musique qu'il notait à son réveil. Ce goût des livres et des longues promenades à pied n'allait jamais le quitter.
Une nuit, s’étant trop éloigné de la ville et ayant pris le parti de dormir à la belle étoile, il contracta une angine. Survenant en pleine mue, cet accident l'affligea pour longtemps d'une « voix de fille » qui vraisemblablement ne surprenait guère chez ce garçon fluet aux longs cheveux blonds. Il en paraissait simplement encore plus jeune qu'il n’était" (Marc Vignal)