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 Clara Schumann

(1819-1896)

Clara Schumann (1819-1896), compositrice et amoureuse (Une vie, une oeuvre ;France Culture, 2016)

À Düsseldorf, le 1er octobre 1853, Brahms fait la connaissance de Robert Schumann et de son épouse Clara. Ce qu'il leur joue de lui au piano - sa première sonate en do majeur et le Scherzo en mi bémol mineur opus 4,  les plonge dans une immense admiration. Déjà mère de six enfants (elle en aura huit), elle est de quatorze ans plus âgée que Brahms qui a déjà acquis une réputation européenne, et elle le fascine. À la suite de l’aide apportée par Robert Schumann à la publication de ses œuvres pour piano, Brahms écrit à son mentor : « Puis-je mettre le nom de votre épouse au début de ma deuxième œuvre ? »

 

Après l’internement de Robert Schumann dans un hôpital psychiatrique à Endenich, près de Bonn, les liens de Clara Schumann et de Brahms s’intensifient. Ils vivent dans la même maison à Düsseldorf. Les échanges d’idées avec Clara et Robert Schumann transparaissent dans ses variations pour piano, op. 9 sur un thème de Robert Schumann, qui a pu les écouter à Endenich et les a trouvées magnifiques. Dans les mesures 30–32 de la dixième variation, apparaît dans la voix du milieu, un thème de Clara, que Robert Schumann avait également repris dans son op. 5. Entre 1854 et 1858, Clara Schumann et Brahms échangent de nombreuses lettres, témoignages qu’ils se sont ensuite accordés à détruire presque entièrement. Il nous reste encore aujourd’hui quelques lettres de Brahms ; elles reflètent l’image d’une passion grandissante. Au début, il lui écrit « vous » (« Sie »), « chère madame » (« Verehrte Frau »), puis « très chère amie » (« Teuerste Freundin »), et finalement « mon amie bien-aimée » (« Innigst geliebte Freundin »), et à la fin « Ma bien-aimée Madame Clara » (« Geliebte Frau Clara »). Dans une lettre du 25 novembre 1854, il écrit soudainement :

 

« Très chère amie, comme le « tu » intime me regarde tendrement ! Mille mercis pour cette lettre, je ne peux pas m’arrêter de la regarder et de la relire, comme si je la lisais pour la première fois ; rarement les mots ne m’ont autant manqué que lorsque j’ai lu votre dernière lettre. »

 

Lui, le plus jeune qui n’avait pas osé suggérer le tutoiement, y est à présent confronté. Il s’habituera progressivement à cette intimité. Dans une lettre du 31 mai 1856, il écrit très clairement :

 

« Ma bien-aimée Clara, je voudrais, je pourrais t’écrire tendrement combien je t’aime et combien je te souhaite de bonheur et de bonnes choses. Je t’adore tellement, que je ne peux pas l’exprimer. Je voudrais t’appeler par des « chérie » et d’autres termes affectueux sans en être rassasié, pour te courtiser. (…) Tes lettres sont pour moi comme des baisers. »

 

Cette lettre sera la dernière avant l’événement prévisible et pourtant soudain qui bouleversera la nature même de leur relation : le décès de Robert Schumann le 29 juillet 1856. En octobre de la même année, Brahms qui nourrit encore l’espoir de pouvoir consoler « sa » Clara pendant cette période de deuil, devra pourtant se résigner. Elle s’éloigne peu à peu de lui. Les lettres échangées perdent de leur passion. Le 17 octobre 1857, Brahms finira par résumer ainsi dans une de ses missives :

 

« Les passions n’appartiennent pas aux hommes comme des choses naturelles. Elles sont toujours des exceptions ou des exagérations. Celui chez qui elles dépassent les bornes doit se considérer comme malade et songer à un remède pour sa vie et sa santé. (…) Les passions doivent vite s’estomper, ou alors, il faut les chasser. »

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Pendant son séjour à Detmold, il compose également des sérénades pour orchestre, des lieder. Ces lieder évoquent une autre rencontre, celle d’Agathe von Siebold. Un été, il s’adonnera à sa nouvelle passion avec tant de fougue que Clara Schumann sera vexée qu’il ait rencontré une autre femme aussi vite. Son deuxième sextuor à cordes opus 36 fait, dans la première phrase, allusion à Agathe von Siebold : il contient en effet la suite de notes : la-sol-la-si-mi (en allemand : A-G-A-H-E). Peu après leurs fiançailles, Brahms change d’avis : il se sent incapable de "porter des chaînes", expression  qui fâchera la jeune Agathe. Il restera toute sa vie célibataire.

 

Mais Brahms restera en relation affectueuse avec Clara sa vie durant.  Une brouille initiée par Clara et liée à l'édition des oeuvres de Schumann les sépare en1891. Une longue déclaration de Brahms apportera en 1892 la réconciliation qu'il quémande depuis un an :  

"Il est dur de s'entendre dire après près de quarante années de fidèles services n'avoir été rien d'autre qu'"une mauvaise expérience de plus".  Je voudrais du moins répéter aujourd'hui que toi et ton mari avez été la plus belle expérience de ma vie" (lettre du 13 septembre 1892)

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En mai 1896, il se hâte de traverser le pays (40 heures de chemin de fer) pour se rendre aux obsèques de Clara à Bonn. "Dès le mois suivant, sa magnifique santé l'abandonna. Il perdit l'appétit, maigrit et s'affaiblit jusqu'au 3 avril de l'année 1897 où il succomba à un cancer du foie" (Marc Vignal)

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En 1857, Brahms occupe les fonctions de professeur de musique à la Cour du Prince de Lippe et de directeur de la Société de Chant à Detmold. Il y reste pendant deux ans, composant deux sérénades pour orchestre ainsi que son premier concerto pour piano opus 15 en ré mineur, pour lequel Joseph Joachim lui donne des conseils d’orchestration. Il est souvent interprété comme le reflet de sa passion vaine pour Clara Schumann ; leur histoire venant tout juste de se terminer. Il sera joué pour la première fois, le 22 janvier 1859 à Hanovre puis, le 27 du même mois, à Leipzig, sans toutefois récolter le succès espéré. Brahms qui ne cache pas sa déception, entreprend de composer une seconde œuvre qui sonnerait tout à fait différemment, ce qu’il fera… vingt-deux ans plus tard, en composant son deuxième concerto pour piano op. 83 en si bémol majeur.

 

 

 

En mai 1859, il revient dans sa ville natale de Hambourg, trouvant qu’il ne disposait pas assez de temps pour la composition et sans doute aussi pour trouver un certain apaisement. Il compose de la musique de chambre et de nombreuses variations pour piano : sur un thème original, sur un thème hongrois, sur un thème de Haendel, sur un thème de Schumann.

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