VIVRE À FOND ET MOURIR À LA TÂCHE
Vienne, enfin !
Mozart, désormais débarrassé de l'autorité de son père et de son employeur, peut enfin composer plus librement. En 1782, l'empereur Joseph II lui commande un opéra. Ce sera Die Entführung aus dem Serail (L'Enlèvement au sérail), en langue allemande, qui incitera Gluck, compositeur et directeur des concerts publics à Vienne, à féliciter Mozart et sera l'opéra de Mozart le plus joué à Vienne. Joseph II est enchanté, voilà l'opéra allemand dont il rêve.
Mozart a fait la connaissance de la troisième fille de madame Weber, Constance, et décide de l'épouser sans attendre le consentement écrit de son père qui en sera furieux. Le mariage est célébré le 4 août 1782, dans la cathédrale Saint-Étienne. Peu après, le baron van Swieten, directeur de la bibliothèque impériale, lui fait découvrir deux compositeurs qui sont alors tombés dans l'oubli : Bach et Haendel. Mozart, homme de théâtre tout comme Haendel, admire les effets musicaux créés par ce dernier pour accentuer le caractère dramatique de ses œuvres. Il est en outre fasciné par l'art du contrepoint de Bach, qui influence directement sa Grande messe en ut mineur KV. 427, et nombre de ses œuvres par la suite. La même année, il commence une série de six quatuors dédiés à son ami Joseph Haydn, qui se terminera en 1785.
Pétri des idées des Lumières, Mozart entre le 14 décembre 1784 en franc-maçonnerie dans la loge Zur Wohltätigkeit (La Bienfaisance), et accède au grade de maître, le 13 janvier 1785. Très épris des idéaux de la maçonnerie qui diffusent cette philosophie des Lumières, il écrit par la suite une douzaine d'œuvres pour ses frères maçons, dont Die Maurerfreude (La Joie des maçons, K. 471) en février 1785, la Maurerische Trauermusik (Musique funèbre maçonnique, K. 477) en novembre 1785, et surtout, en 1791, La Flûte enchantée (dit opéra maçonnique) KV. 620, qui serait une transcription de l'initiation à la franc-maçonnerie avec ses épreuves, son maître de cérémonie, la répétition de thèmes avec trois notes et une musique évoquant l'idéal maçonnique.
Constanze Mozart (1824-1842)
Constanze Mozart (née Maria Constanza Cäcilia Josepha Johanna Aloysia Weber) (en français, Marie Constance Cécile Josèphe Jeanne Aloïse) (5 janvier 1762 ; Zell im Wiesental, Allemagne - 6 mars 1842 ; Salzbourg), cousine germaine du compositeur Carl Maria von Weber, a été la femme de Wolfgang Amadeus Mozart. Elle vient d'une famille d'excellents musiciens, toutes les filles Weber ayant des voix travaillées. Sa sœur Aloysia Weber, notamment, crée plusieurs personnages des opéras de Mozart.
Constanze épouse Mozart le 4 août 1782. Ils ont six enfants entre cette date et 1791, année de la mort de Mozart.
Mozart et Constanze Weber se rencontrent en 1777 à Mannheim. Cependant, Mozart s'intéresse d'abord à sa sœur Aloysia. Quand Mozart, à son retour de Paris en 1781, revoit la famille à Vienne, Aloysia ne lui témoigne plus la moindre attention et épouse Josef Lange, acteur célèbre dont elle divorce plus tard, regrettant, dit-on, sa première décision. Mozart loge chez les Weber pendant quelque temps, puis quitte la famille en raison des rumeurs qui circulent sur leurs relations.
Le 25 Juillet 1781, Wolfgang écrit à son père, au sujet de Constance, pour le rassurer :
Je badine, je fais des plaisanteries avec elle, quand il m'en reste le temps [...], et c'est tout. Si je devais épouser toutes celles avec qui j'ai plaisanté, j'aurais bien deux cents femmes.
Mozart et Constanze se marient le 4 août 1782 dans une chapelle de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne2. Ils auront six enfants en près de neuf ans :
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Raimund Léopold Mozart (17 juin 1783 - 19 août 1783) mort à 2 mois.
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Karl Thomas Mozart (21 septembre 1784 - 31 octobre 1858) mort à 74 ans.
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Johann Léopold Mozart (18 octobre 1786 - 15 novembre 1786) mort à 1 mois.
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Theresia Mozart (27 décembre 1787 - 29 juin 1788) mort à 6 mois.
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Anna Mozart (mort-née le 16 novembre 1789)
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Franz Xaver Wolfgang Mozart3 (26 juillet 1791 - 29 juillet 1844) mort à 53 ans.
Seuls deux des enfants, Karl Thomas et Franz Xaver Wolfgang, survivent passée la petite enfance. Ils meurent à l'âge adulte sans descendance et ne se sont jamais mariés. Constanze a été décrite comme fragile et affaiblie par ses grossesses, souvent confinée dans son lit. Il semble qu'elle souffrait d'ulcères variqueux dont ses jambes étaient percluses.
Après la mort de Wolfgang Amadeus Mozart en 1791, Constanze, apparemment douée pour les affaires (elle avait commencé à mettre de l'ordre dans les finances du ménage peu avant le décès de son mari), améliore considérablement, au fil des années, sa situation. Des amis du couple organisent des concerts et elle monte elle-même sur scène pour chanter les principales œuvres du répertoire mozartien, accompagnée de sa sœur Aloysia devenue dépressive. L'Empereur note dans ses carnets qu'il « applaudit les larmes aux yeux » le grand talent de cette cantatrice que l'on a oublié. Elle réussit à rembourser à Johann Michael Puchberg les sommes que celui-ci avait prêtées à Wolfgang.
Il ne fait aucun doute que la ville de Prague participe à cette réussite avec des subventions. Par la suite, Constanze vend à l'éditeur Johann Anton André les autographes des œuvres de Mozart en sa possession, dont le Requiem achevé par Franz Xavier Süssmayr. En 1809, Constanze épouse Georg Nikolaus von Nissen, diplomate et écrivain danois, avec lequel elle vit depuis quelques années. De 1810 à 1820, ils résident à Copenhague, puis voyagent à travers l'Europe, notamment en Allemagne et en Italie. De cette période (1801-1823) date le petit Album de Souvenirs de Constance, un petit manuscrit autographe illustré de cent soixante six pages recueillant des dédicaces et des réflexions sur le thème de l'amitié. Le couple s'installe à Salzbourg en 1824. Tous les deux travaillent à une biographie de Mozart que Constanze publie en 1828, deux ans après la mort de son second mari.
Elle meurt à Salzbourg en 1842, à l'âge de 80 ans, ayant survécu cinquante-et-un ans après la mort de Mozart. Elle est enterrée au cimetière Saint-Sébastien de Salzbourg, aux pieds de son beau-père, Léopold Mozart, qui ne l'aimait pas.
La Maison de Mozart - Mozarthaus Vienna
Au n°5 de la Domgasse se trouve la seule demeure viennoise de Mozart existant encore à ce jour parmi la bonne douzaine qu’il habita. Le compositeur réside dans cette demeure de 1784 à 1787.
Son logement, au premier étage, est un véritable appartement de maître avec quatre grandes pièces, deux petits salons et une cuisine. En effet, toute sa vie durant, Mozart soigne les apparences, ne se privant jamais de toilettes élégantes ou de souliers à boucles.
Wolfgang Amadeus passe sans doute ici les années les plus heureuses de sa vie. En tous cas, jamais il ne conserve une adresse aussi longtemps. Et surtout, Mozart est à cette époque un artiste reconnu, ayant un cercle d’amis illustres, fréquemment invité à se produire dans les demeures nobles.
Et c'est ici, dans la Domgasse, qu'il écrit quelques unes de ses œuvres les plus réussies, dont Les Noces de Figaro.
La musique à Vienne
Une fois libéré de ses fonctions auprès de Colloredo et stimulé par la vie musicale de Vienne, Mozart entre dans une période de composition intense. Il règne en effet dans la capitale une grande liberté artistique et intellectuelle grâce à l’empereur Joseph II. La musique n'est pas jouée uniquement à l'église ou dans les résidences de la haute et moyenne noblesse : elle est aussi intensément pratiquée par la bourgeoisie dans ses salons. Dès les années 1760, les compositeurs et les instrumentistes donnent des concerts réguliers à Vienne : Mozart lui-même organise dès son installation à Vienne des concerts dans la capitale de l’Empire ou à Prague. Vienne devient aussi, dans les années 1770, la capitale européenne de l’édition musicale, diffusant ainsi localement ou dans toute l’Europe l’œuvre des différents auteurs de l’époque.
C'est donc à Vienne que Mozart compose certains de ses plus grands chefs-d'œuvre : son opéra L'Enlèvement au sérail (1782), ses Symphonie n° 35 « Haffner » (1782) et Symphonie n° 36 « Linz » (1783), ses six quatuors à cordes dédiés à Haydn, ainsi qu'un grand nombre de ses concertos pour piano. En 1786, il fait créer son opéra Les Noces de Figaro : véritable triomphe, l'œuvre est présentée à Prague en 1787, où Mozart compose un autre de ses chefs-d'œuvre lyrique, Don Giovanni. De retour à Vienne, il travaille à un nouvel opéra, Così fan tutte (créé en 1790). C'est également à cette époque qu'il compose son Quintette avec clarinette, ainsi que de nombreux airs de concert et d'autres œuvres de musique de chambre.
Une vive concurrence mais de nombreux mécènes
Mozart n’est pas le seul musicien de valeur à Vienne et, bien qu’il ait la sympathie de l’empereur en personne, il doit souvent montrer son talent pour être reconnu à sa juste place. Le plus célèbre de ses concurrents est Antonio Salieri (1750-1825), compositeur de la cour et chef d’orchestre de l’Opéra italien de Vienne, qu’on a même parfois - à tort - accusé d’avoir empoisonné Mozart à la fin de sa vie ! Cette rivalité peut parfois donner lieu à un véritable duel musical, lorsque deux musiciens se croisent, comme ce fut le cas avec le compositeur Muzio Clementi (1752-1832), de passage chez l’empereur.
Quand Mozart quitte Salzbourg, il abandonne également toute rémunération régulière, à part celle qui lui est maintenant versée pour le poste modeste de Kammermusicus (musicien de la chambre) à la cour de Vienne, où il est nommé en 1787 par Joseph II. Il compose ainsi une quantité impressionnante de musique de danse destinée à la cour.
Il reçoit aussi des commandes venant de riches amateurs de musique. Le baron Gottfried Bernhard van Swieten (1733-1803) tient des réunions régulières chez lui le dimanche à midi, et s’intéresse aux compositeurs considérés alors comme anciens : Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Haendel. Mozart fait pour ce mécène des transcriptions d’œuvres de ces deux auteurs. Cet amateur de musique s’attache aussi à faire découvrir à ses contemporains l’œuvre d’artistes vivants que Mozart a connus : Carl Philipp Emanuel Bach ou Joseph Haydn.
Le plus mystérieux commanditaire est un messager en gris qui se présente à la porte de Mozart, afin de lui demander de composer le Requiem K. 626 : il s’agit d’un envoyé du comte Franz Walsegg-Stuppach (1763-1827), amateur de musique, qui passe commande d’œuvres qu’il fait ensuite passer pour siennes ! Mozart travaille aussi sur deux grands opéras Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) et La Clemenza di Tito (La Clémence de Titus) qu’il peut mener à leur terme. Son requiem demeure par contre inachevé : Mozart meurt, malade et épuisé par son travail incessant, le 5 décembre 1791.
« Je suis sur le point d’expirer. J’ai fini avant d’avoir joui de mon talent. La vie, pourtant était si belle, la carrière s’ouvrait sous des auspices tellement fortunés… Mais on ne peut changer son propre destin. Nul ne mesure ses propres jours ; il faut se résigner : il en sera ce qu’il plaira à la Providence. Je termine : c’est mon chant funèbre et je ne dois pas le laisser imparfait. »
Johann Michael Puchberg, l'ami et l'aide financière de la famille
Puchberg était depuis 1773/74 membre de la loge Zu den drei Adlern et est entré en contact avec Wolfgang Amadeus Mozart, qui en 1784, a été reçu à la loge Zur Wohltätigkeit. Mozart considérait Puchberg comme un « très proche et sincère ami » et a souvent sollicité auprès de lui des prêts d'argent. Entre 1788 et 1791, nous connaissons pas moins de 21 lettres de demande de prêt. Puchberg a accédé à ces demandes, mais pour des montants inférieurs à ceux sollicités par Mozart.
Mozart a écrit en 1788 pour son ami Michael Puchberg les trois trios avec piano (en mi majeur K. 542, en ut majeur K. 548 et en sol majeur K. 564) ainsi que le divertimento en mi bémol majeur, K. 563 dont Michael est le dédicataire.
En 1791, la situation financière de Mozart s'était légèrement améliorée, et il a effectué au moins un début de remboursement. Le reste de l'argent ne sera payé que plusieurs années après la mort de Mozart (le 5 décembre 1791). Sa veuve Constance était devenue une femme d'affaires efficace, gagnant de l'argent avec les concerts commémoratifs et la publication des œuvres, et elle a été finalement en mesure de rembourser Puchberg.
Puchberg était aussi un ami de Joseph Haydn. Les deux étaient les seules personnes que Mozart a invitées à assister aux répétitions de Così fan tutte en 1790. Puchberg a été la seule personne à qui Haydn a écrit à partir de Londres, désemparé, quand il a appris la nouvelle de la mort de Mozart.
Fais attention, arrête parfois de composer ! Couche-toi et de bonne heure ! Ne te refroidis pas ! Transpire un peu le matin ! Diète ! Bonne nuit !
Léopold Mozart à son fils, Salzbourg, 4 décembre 1780
Vous connaissez ma situation. Bref, comme je n'ai pas de véritables amis, je suis contraint à emprunter de l'argent chez des usuriers. Mais il faut du temps pour trouver, et je suis cette fois tellement démuni que je dois vous demander pour tout au monde, très cher ami, de m'assister de ce dont vous pouvez vous priver.
Je dois malheureusement vous prier de garder patience. Si vous saviez les soucis et les tourments que cela m'occasionne, cela m'a empêché ces derniers temps de terminer mes quatuors. J'ai de grands espoirs à la cour, car je sais avec certitude que le Roi n'a pas renvoyé ma requête après l'avoir agréée ou rejetée, comme il le fait généralement, mais qu'il l'a gardée. Enfin il m'arrive deux élèves. Il m'en faudrait huit. Dites partout, je vous prie, que je donne des leçons de piano.
Mozart à Johann Michael Puchberg, Vienne, 17 mai 1790