top of page

LA GRAN PARTITA

Sérénade pour instruments à vent  et contrebasse KV 361 dite "Gran Partita"

​

La Sérénade n° 10 en si bémol majeurKV 361, dite Gran Partita, a été écrite pour treize instruments à vent et contrebasse. Elle est composée de sept mouvements. Consacrée à l'origine au plein-air, cette « musique du soir » dépasse l'esprit simple du divertimento pour rejoindre celui de la symphonie.

​

Grâce à son inspiration et à l'équilibre de son écriture musicale, à la diversité de ses formes et de ses genres, à ses dimensions et à son effectif imposants, chaque partie étant destinée à un instrumentiste soliste, cette sérénade est considérée comme l'un des chefs-d'œuvre du répertoire de musique de chambre des vents.

​

Instruments : 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors de basset, 4 cors, 2 bassons, 1 contrebasse

​

Circonstances d'écriture

​

Marc Vignal : Haydn et Mozart, Fayard, 2001, pp.227-228

​

La Gran Partita (dénomination due à un éditeur) naquit en toute probabilité entre le milieu de 1783 et le 23 mars 1784, date d'un concert organisé à son propre bénéfice par le clarinettiste Anton Stadler (1753-1812). Pour ce merveilleux musicien, Mozart devait écrire  en 1786 son trio pour clarinette alto et piano KV 498, baptisé “Trio des quilles”, en 1789 son quintette KV 581 et en 1791 son concerto KV 622. Anton Stadler et son frère Johann (1755-1804), également clarinettiste, s'étaient établis à Vienne sur les instances de Joseph II. Engagés dans l'orchestre de la cour le 8 février 1782, ils étaient ainsi devenus les premiers clarinettistes professionnels de la capitale autrichienne. À son concert du 23 mars 1784, Anton joua quatre des sept mouvements de la sérénade KV 361. Aucun document antérieur ne fait référence à l'œuvre. Comme le quintette KV 452 et la sonate KV 454, elle comporte une solennelle introduction lente. Mozart n'avait auparavant jamais utilisé le cor de basset, sorte de clarinette grave, l'instrument maçonnique par excellence, ni exploré à ce point le registre grave et chantant de la clarinette. Avec six instruments pour les voix supérieures, quatre cors pour les voix médianes et la plénitude harmonique, et trois instruments pour les basses, il put se livrer à des combinaisons sonores inouïes.

​

​

Annonce parue dans le Wienerblättchen du 23 mars 1784

 

"Herr Stadler senior, actuellement au service de sa Majesté l'Empereur, tiendra aujourd'hui un concert musical à son propre bénéfice au Théâtre national de la cour impériale, au cours duquel sera donnée, parmi d'autres pièces bien choisies, une grande pièce pour vents d'un genre très spécial composée par Herr Mozart"

​

La partition autographe a été retournée à Mozart de son vivant car, à sa mort, elle est devenue la propriété de Constanze, qui en a disposé en 1799 dans le cadre d'une vente de tous les matériaux autographes restants. le manuscrit a traversé de nombreuses mains pendant 140 ans avant d’être vendu à la Bibliothèque du Congrès à Washington, DC en 1941, où il réside actuellement.

​

Laetitia Chassain

Présentation sur le site de la Philharmonie de Paris

 


Sérénade n° 10 en si bémol majeur « Gran Partita » K. 361, de Wolfgang Amadeus Mozart 

Genre : musique pour ensemble instrumental

Composition : date indéfinie, possiblement vers 1784, à Vienne

Création : le 23 mars 1784 au Burgtheater à Vienne, par Anton Stadler à la clarinette

Forme : sérénade en sept mouvements :
I. Largo - Molto allegro
II. Menuetto – Trios I et II
III. Adagio
IV. Menuetto (Allegretto) – Trios I et II
V. Romance (Adagio - Allegretto)
VI. Tema con variazioni (Andante – Adagio – Allegro)
VII. Finale (Molto allegro)

Instrumentation : 13 instruments : 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 cors d’harmonie, 2 cors de basset, 1 contrebasse

​

Une sérénade 

 

La sérénade est une musique de divertissement que l’on joue à la nuit tombée, les soirs d’été. Elle est à l’initiative d’un commanditaire et destinée à être jouée lors d’un événement particulier. C’est le cas par exemple de la Sérénade n° 11 en mi bémol majeur, K. 375, créée le jour de la fête de Sainte Thérèse, le 15 octobre 1781. Auteur de treize sérénades (dont trois pour vents), Mozart, de même que Haydn, fait de ce genre un lieu privilégié d’innovations (dans le domaine de la forme, de l’écriture ou de l’instrumentation).

​

Contexte de composition

​

Hormis sa date de création, on ne connait de la Gran Partita ni sa destination, ni même sa date de composition et ce à trois ans près, entre 1781 et 1784, ce qui dans le cas de Mozart est considérable. Pour quelle occasion Mozart l’a-t-il écrite ? Lui-même n’en dit rien dans sa correspondance, pas plus qu’il ne la mentionne dans le catalogue thématique qu’il inaugure en février 1784, regroupant toutes ses compositions depuis cette date jusqu’à sa mort. C’est ce qui incite à situer la composition de la Gran Partita avant 1784. Par ailleurs, l’effectif instrumental correspond à une amplification de l’Harmonie Royale et Impériale créée par l’empereur Joseph II en 1782. On peut donc supposer que la composition de cette sérénade est alors postérieure à cette création. Quant au manuscrit, ni le titre, ni la date qui y figurent ne sont de lui.

​

Une oeuvre d'exception

​

D’une simple sérénade, Mozart fait de la Gran Partita une œuvre digne des genres les plus nobles de son temps. À l’opéra, elle emprunte l’art du chant et la tension dramatique ; à la symphonie, le sérieux du propos et la puissance orchestrale. Tout y fait exception : le nombre de musiciens, sa durée (environ 50 minutes), sa joie grave, son instrumentation si nouvelle et surtout cet irrésistible vent de liberté qui y souffle de part en part. Au cours des sept mouvements, Mozart varie les formes (forme sonate, forme ternaire, menuet à deux trios, thème et variations, rondo) et s’affranchit du cadre régulier des musiques de danse, grâce à l’emploi des syncopes, contretemps et carrures impaires. En mettant à l’honneur la clarinette, ce nouvel instrument de l’Allemagne, il s’éloigne de la sérénade à la française qui tend à privilégier le hautbois. Même le menuet, la danse versaillaise si prisée à Vienne, se germanise : tragique, dans la légèreté. Enfin, niché au cœur de l’œuvre, l’Adagio est l’un des plus beaux de Mozart. Tel un chant sans paroles, d’une pure poésie, sa voix s’élève, portée par des strates de temps différents : un flux immuable et un dessin haletant, comme un cœur qui bat.

Dans son ensemble, cette sérénade s’inscrit dans le style galant, caractérisé par l’utilisation prédominante de la mélodie accompagnée (confiée alternativement aux différents instruments). Mais chacun des mouvements possède également des éléments remarquables, que ce soit au niveau de la forme, du rythme ou encore du timbre instrumental. En voici quelques exemples :

​

I. Largo - Molto allegro : de forme sonate, ce mouvement débute par une introduction lente. Celle-ci se rapproche des ouvertures à la française à travers ses rythmes pointés, mais s’en éloigne par le caractère libre et improvisé de la ligne mélodique (évoquant un récitatif d’opéra). On perçoit nettement l’influence de Haydn dans le travail motivique des thèmes.

​

II. Menuetto – Trios I et II : inédit dans sa forme de menuet à double trio, ce mouvement rompt avec le rythme de danse par ses carrures irrégulières. L’instrumentation du Trio I, un quatuor de clarinettes et cors de basset, est pour le moins originale.

​

III. Adagio : de forme ABA’, traditionnelle pour un mouvement lent, cet Adagio joue sur un effet de mélodie continue grâce à l’entrée en tuilage des instruments, évoluant sur un ostinato rythmique.

​

IV. Menuetto (Allegretto) – Trios I et II : à nouveau, Mozart utilise la forme originale de menuet à double trio. Le caractère populaire du Trio II évoque un ländler.

​

V. Romance (Adagio - Allegretto) : de forme libre, ce mouvement se distingue surtout par le rôle de soliste accordé dans l’allegretto aux cors de basset, dialoguant avec le tutti.

​

VI. Tema con variazioni (Andante – Adagio – Allegro) : dans ce mouvement en forme de thème et variations, Mozart reprend le thème du mouvement lent du Quatuor avec flûte en ut majeur K. 285b.

​

VII. Finale (Molto allegro) : le thème de ce rondo final rappelle la Sonate à quatre mains K. 19. Notons que, contrairement à la forme traditionnelle du rondo, le refrain n’est pas systématiquement inséré entre les couplets.

​

bottom of page