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"Quand un Maître est un Maître..."

Mendelssohn et Bach

 

Avant même de s'installer à Leipzig,  Félix Mendelssohn était lié à Bach de plusieurs manières : sa grand-tante maternelle  Sara Itzig Lévy, pianiste accomplie et élève préférée de l'un des fils de Bach, Wilhelm Friedemann Bach, avait commandé des compositions à Friedemann et de son frère Carl Philipp Emanuel, et elle possédait une importante collection  de manuscrits musicaux et d'éditions imprimées de musique de son temps et de la génération précédente. Elle devint particulièrement active à la Sing-Akademie après la mort de son mari Samuel Levy en 1806, et fit don de sa collection de musique composée de pièces instrumentales, de solos, de musique de chambre, de symphonies et de concertos pour clavier, écrites par la famille Bach - à Carl Friedrich Zelter, le professeur de Félix et de Fanny. Par ailleurs, Félix avait reçu en 1824 de sa grand-mère maternelle  Bella Salomon une copie de la partition de la Passion selon Saint Matthieu de Bach. C'est Mendelssohn qui va la rendre au public  le 11 mars 1829, en dirigeant l'Académie de Chant (Singakademie) de Berlin après avoir obtenu l'accord quelque peu réticent de son directeur -à savoir Zelter-, pourtant grand admirateur de Bach. Pour la reprise de cette œuvre oubliée depuis longtemps, Mendelssohn, qui dirigeait d'un piano, effectua de nombreuses adaptations : partition abrégée de plus d'un tiers, chœur de 158 chanteurs, orchestre symphonique complet, partition largement révisée, changements de tessitures, travail de l'expressivité à la mode romantique… C'était donc une restitution bien éloignée de l'interprétation originale dont la tradition s'était perdue, mais cependant une grande nouveauté qui entraîna une redécouverte durable de Bach.

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Une vie intense et brève

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En 1829, Mendelssohn part pour un voyage en Angleterre et en Écosse. L'année suivante, il séjourne longuement en Italie et rencontre Hector Berlioz à Rome. Ces différents voyages lui inspirent plusieurs partitions : symphonie « Écossaise », ouverture "Les Hébrides", symphonie « Italienne ».

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Directeur musical du Gewandhaus de Leipzig dès 1835, il  il est appelé dans les années 1840 à Berlin par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV afin de réorganiser la vie musicale de la cité et du pays. Le roi songeait en particulier à faire représenter Le Songe d'une nuit d'été au nouveau palais de Potsdam, à partir de l'ouverture composée en 1826. Malgré ses lourdes charges en tant que chef de l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, directeur du Conservatoire de la même ville et directeur général de la musique de Prusse, Mendelssohn accepta la commande et composa l'œuvre en 1843.  Il devient alors le compositeur européen le plus célèbre de son époque, notamment en Angleterre. À Leipzig, il organise chaque année 20 concerts, dans lesquels il programme ses propres œuvres, celles des contemporains, et les classiques viennois. À partir d'août 1835, à la suite de sa rencontre avec Clara Wieck, il se lie d'amitié avec le compositeur Robert Schumann qui voit en lui le « Mozart du 19e siècle ». Schumann sera d'ailleurs, avec Mendelssohn au pupitre, l'artisan de la première exécution de la Grande Symphonie de Schubert par le Gewandhaus de Leipzig, en rapportant de Vienne le manuscrit qui dormait dans un tiroir chez un des frères de Franz Schubert. L'amitié est immense entre eux. Un des enfants de Schumann né après la mort de Mendelssohn portera le prénom de Félix, en souvenir de l'ami trop tôt disparu.

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En 1837, Mendelssohn épouse Cécile Jeanrenaud, la fille d'un pasteur originaire de Môtiers dans le canton de Neuchâtel (Suisse), qu'il avait rencontrée l'année précédente à Friburg. Ils auront cinq enfants.

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La mort brutale de Fanny, le 14 mai 1847, lui cause un profond chagrin et lui inspire son dernier quatuor. Cinq mois plus tard, le 28 octobre 1847, à Leipzig, il est pris de maux de tête très violents. Quelques jours plus tard, il est victime d’une nouvelle attaque et meurt le 4 novembre 1847, âgé seulement de 38 ans. Il est enterré à Berlin (cimetière de Mehringdamm).

Par deux de ses sœurs, Felix est lié aux mathématiques allemandes du 19e siècle. Fanny est la grand-mère du mathématicien Kurt Hensel, tandis que Rebecka son autre soeur a épousé le mathématicien Peter Gustav Lejeune Dirichlet.

Point de mire de l'agitation antisémite

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Après sa mort, Mendelssohn fut l'objet de la propagande antijuive. Cela commença avec Das Judenthum in der Musik un pamphlet de Richard Wagner. L'ouvrage parut sous un pseudonyme, en 1850, trois ans après la mort de Mendelssohn, mais, en 1869, parut une édition augmentée sous le vrai nom de l'auteur. À la date de la deuxième publication, Wagner était déjà un compositeur influent si bien que son point de vue contribua à faire mépriser l'œuvre de Mendelssohn dans la seconde moitié du 19e siècle.

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Berlioz, grand admirateur et défenseur de Mendelssohn, écrira à ce sujet :

« Wagner s’est perdu dans l’esprit du public en paraissant faire peu de cas de Mendelssohn. […] Quand un maître est un maître, et quand ce maître a toujours et partout honoré et respecté l’art, il faut l’honorer et le respecter. » (cité par Brigitte François-Sappey, in Félix Mendelssohn. La lumière de son temps, Fayard, 2008. ch. Le Maître dans l'Histoire, p. 129)

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En 1933, après la prise du pouvoir par le régime nazi, Joseph Goebbels interdit (en sa qualité de président de la « Chambre de la culture du Reich ») les représentations des œuvres de Mendelssohn. Il y en eut néanmoins quelques-unes, par exemple Le Songe d'une nuit d'été conduit par Wilhelm Furtwängler en février 1934 (à l'occasion du 125ème anniversaire de Mendelssohn). Des compositeurs allemands, parmi lesquels on compte le prestigieux Carl Orff furent invités à écrire des alternatives musicales à la musique de Mendelssohn pour le Songe d'une nuit d'été. Bustes et plaques commémoratives de Mendelssohn furent retirés (par exemple, en novembre 1936, le monument de Mendelssohn devant le Gewandhaus de Leipzig, ce qui entraîna la protestation publique de Furtwängler). Le maire Carl Goerdeler démissionna de son poste en raison de la suppression en son absence du monument de Mendelssohn et il fut par la suite un des personnages importants de la Résistance allemande.

Le démontage d'une statue du compositeur à Prague a servi de prétexte au roman "Mendelssohn est sur le toit" de JiÅ™í Weil, dont la déportation des juifs de Bohême-Moravie sous et après la gouvernance du "Vice-Gouverneur de Reich" Reinhard Heydrich constitue le thème.

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Mendelssohn est sur le toit. Film d'animation. 14 mn. Réalisé par Jean-Jacques Prunes (France, 2010). Ici version française sous-titrée en anglais

Prague 1942 : Heydrich, grand mélomane et « protecteur » de la Bohême Moravie s’avise soudain que sur le toit de l’Académie de Musique, trône la statue du compositeur juif Mendelssohn, parmi celles d’autres musiciens. Il ordonne à ses sbires de la déboulonner. Mais laquelle est-ce ? Rien ne l’indique. En désespoir de cause, et après avoir soigneusement mesuré tous les nez de pierre, ils mettent à bas celle qui a le plus long appendice !!!
Très mauvais choix qui leur coûtera très cher.
Librement adapté du roman éponyme de JiÅ™i Weil, Mendelssohn est sur le toit. Trad. du tchèque par Erika Abrams. Denoël 1993

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