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être génial, ça s'apprend ?

Alphabet. Un documentaire de Erwin Wagenhofer. 108 mn. © Films Distribution - 2015. Bande annonce

Les méthodes pédagogiques utilisées pour éduquer nos enfants ne sont-elles pas dépassées ? De la France à la Chine, de l'Allemagne aux États-Unis, Alphabet questionne un système éducatif qui privilégie la performance au détriment de la créativité et de l’imagination.
En exposant au grand jour les limites d’un modèle hérité de la révolution industrielle, pédagogues, chercheurs, scientifiques, chefs d’entreprise et élèves abordent le rôle de l’enseignement et envisagent des voies alternatives à nos pratiques actuelles.

La réponse de Jean Piaget : la pédagogie 

 

Le constructivisme, théorie de l’apprentissage, a été développée, entre autres, par Piaget, dès 1923, en réaction au behaviorisme qui, d’après lui, limitait trop l’apprentissage à l’association stimulus-réponse. L’approche constructiviste met en avant l'activité du sujet pour se construire une représentation de la réalité qui l’entoure.

Le constructivisme suppose que les connaissances de chaque sujet ne sont pas une simple « copie » de la réalité, mais une « (re)construction » de celle-ci. Le constructivisme s'attache à étudier les mécanismes et processus permettant la construction de la réalité chez les sujets à partir d'éléments déjà intégrés.

La compréhension, constamment renouvelée, s’élabore à partir des représentations plus anciennes d’événements passés, que le sujet a d’ores et déjà « emmagasinées » dans son vécu. En fait, le sujet restructure (« reconceptualise »), en interne, les informations reçues en regard de ses propres concepts : c’est le phénomène de restructuration conceptuelle à travers ses expériences.

 

Jean Piaget (1896-1980)

Ce mouvement est issu des travaux de Jean Piaget, à l'origine de la plus célèbre des théories sur le constructivisme, où il dit que l'intelligence n'est pas innée mais se construit. Pour lui, l'être humain est programmé pour intégrer les connaissances dans un ordre donné et cela à condition que le milieu dans lequel l'enfant grandit, lui procure des stimulations dont il a besoin, au moment où il en a besoin. Piaget nous dit que les connaissances se développent à travers 4 stades, toujours dans le même ordre. Piaget en fait une règle générale. Premièrement, on a le stade sensorimoteur, qui se met en place à la naissance jusqu'à 2 ans. Le bébé utilise les sens et la motricité pour découvrir le monde qui l'entoure. Après ses 2 ans et aux alentours de 5 ou 6 ans, il traverse le Stade Préopératoire. Ce stade marque l'apparition du langage, dominé par un égocentrisme naturel. C'est le stade où se développent l'imitation, la représentation ainsi que la réalisation d'actes fictifs. Lors d'un jeu, un tronc d'arbre deviendra une table par exemple, car cet objet est devenu la substitution d'un autre objet. Vient ensuite le stade opératoire concret lorsque l'enfant a entre 7 et 12 ans. Il raisonne concrètement, peut classer, grouper. Il se socialise, prend en compte ce que disent les autres. Enfin, le stade opératoire formel concerne l'enfant à partir de 12 ans. Pour Piaget, l'enfant, par ce stade, peut combiner des idées, raisonner par des hypothèses, des déductions. Le langage devient plus mobile et amène à des réflexions construites.

À chacune de ces périodes, l'enfant va intégrer le réel à partir de l'assimilation ou de l'accommodation. Et tout cela dépend encore une fois du milieu dans lequel l'enfant se trouve. Normalement, l'enfant acquiert la capacité de communication verbale entre 18 et 25 mois si le milieu lui est favorable.

Dans sa théorie, Piaget insiste sur le fait que nous construisons nos différentes connaissances par la manipulation « d’objet », par l’expérimentation. Cette manipulation provoque la création ou la modification de schèmes d'actions. « Le schème est l'instrument de l'assimilation ; c'est une structure d'action répétables dans des circonstances semblables ou analogues. »3.

C'est ce que l'on peut caractériser comme le squelette du savoir-faire, qui n'est pas pour autant un squelette immuable étant donné que la construction du savoir est adaptable. C'est donc cette interaction entre l’individu et l'objet qui est importante, car elle lui permet de construire ses connaissances, d'où le nom de ce courant de la théorie de Jean Piaget, le « constructivisme ». Parce qu'il y a interaction, l'action est réalisée. C'est par là que Piaget nous mène à une pédagogie constructiviste. Les pédagogues de ce courant pédagogique ne veulent pas transvaser leurs connaissances comme ils transvaseraient l'eau d'un vase dans un autre vase tout neuf. Les constructivistes veulent que ce soit l'individu lui-même qui construise ses connaissances, avec leur aide évidemment. C'est comme si le constructivisme donnait des outils à un maçon pour construire une maison. Les outils pour former sa connaissance sont donnés à l'élève, c'est avec eux qu'il va se construire étant donné qu'il est acteur de son développement. Il ne faut pas penser que ce courant compte sur le fait que les élèves doivent découvrir, apprendre, acquérir toutes leurs connaissances seuls, bien au contraire. Les pédagogues constructivistes accentuent sur le fait que quelle que soit la méthode sélectionnée, que ce soit une étude de cas, un travail de réflexion en petit groupe ou encore un jeu de questionnement entre l'élève et l'enseignant, l'élève doit construire son savoir à partir de l'activité mise en place par l'enseignant. C'est par la compréhension, par ses perceptions de la réalité que l'élève construit son apprentissage et non pas par la réalité absolue, toute faite.

La réponse de Saint-Exupéry : la culture (Terre des Hommes, 1939)

"Que savons-nous, sinon qu’il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ? Où loge la vérité de l’homme ?

La vérité, ce n’est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c’est la vérité des orangers. Si cette religion, si cette culture, si cette échelle des valeurs, si cette forme d’activité et non telles autres, favorisent dans l’homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s’ignorait, c’est que cette échelle des valeurs, cette culture, cette forme d’activité, sont la vérité de l’homme. La logique ? Qu’elle se débrouille pour rendre compte de la vie.

Tout au long de ce livre j’ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d’autres eussent choisi le monastère ; mais j’ai trahi mon but si j’ai paru vous engager à admirer d’abord les hommes. Ce qui est admirable d’abord, c’est le terrain qui les a fondés."

[...]

"Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné.

Et je regagnai mon wagon. Je me disais ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n’est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s’agit point de s’attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C’est quelque chose comme l’espèce humaine et non l’individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c’est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n’est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s’installe aussi bien que dans la paresse. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné."

Le projet actuel de l'école Domaine du Possible (Arles, Bouches-du-Rhône)

Une pédagogie plurielle, active et de coopération

L’école Domaine du Possible se laisse la possibilité de puiser dans toutes les méthodes, qu’il s’agisse de Freinet, Montessori, Piaget, Steiner ou d’autres. Selon les situations et les enfants, chacune apporte des outils adaptés. Le but est que chaque enfant apprenne à apprendre, s’approprie ce qu’il découvre par l’expérience qui stimule le désir et la curiosité, prenne confiance en lui et en la singularité de sa contribution. Nous pratiquons une pédagogie de conception holistique : fondée sur un équilibre entre les apprentissages académiques, artistiques et pratiques.
Les découvertes littéraires, mathématiques, de l’histoire ou de la géographie ne sont pas des abstractions mais autant de sujets de projets, d’expériences intimes de l’esprit. Ces outils du savoir doivent s’affûter avec le temps, grandir avec les enfants. Les savoirs sont découverts puis redécouverts toujours de façon nouvelle et évolutive.

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