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Jean-Sebastien BACH

(1685-1750)

Trois signatures pour une

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On peut à juste titre penser que Bach, conscient du fait que ses problèmes de santé allaient s’aggravant, a préféré laisser symboliquement inachevé le dernier contrepoint prévu dans son projet après y avoir apposé sa signature musicale, contrepoint qui dans l’édition occupait 5 pages sur les 6 qui lui étaient réservées avant les canons. L’auteur offrait ainsi à ses futurs interprètes une ouverture vers l’éternité et l’opportunité de pérenniser chacun à sa façon l’œuvre du maître : quaerando invenietis, « cherchez et vous trouverez », avait-il écrit en marge d’un énigmatique canon de L’Offrande musicale.  Bach signait et interrompait alors son œuvre à la 239ème mesure (somme des chiffres = 14) d’une quatorzième fugue (en comptant pour une seule fugue chacune des deux paires de miroirs), quatorze représentant également la somme numérique des lettres de son nom (B = 2, A = 1, C = 3, H = 8).

L'énigme du Contrepoint 19

 

Le sujet principal de l'œuvre est absent de cette dernière fugue telle qu’elle nous est parvenue. Elle est construite sur trois sujets, le troisième étant B.A.C.H. (Sib, la, do, si).

Quant à l'appartenance du Contrepoint XIX à l’œuvre, les esprits sont divisés. Le titre "fuga a tre soggetti" n'est pas de la main de Bach. Les trois sujets ne ressemblent pas au sujet original de L'Art de la fugue. Les argumentaires vont dans les sens suivants :

  • 1 - Les trois thèmes sont étrangers et l’œuvre est donc étrangère à L'Art de la fugue (p.ex. Gustav Leonhardt).

  • 2 - Le premier thème est apparenté au thème principal de L'Art de la fugue (en le torturant un peu...), et le Cp XIX, tel quel, fait partie de l’œuvre. Le troisième thème (B.A.C.H.) la signe, en quelque sorte. De plus, le fragment de fugue est tellement long que l'introduction du thème principal comme 4° thème est difficilement concevable. Cette thèse est implicitement endossée par les nombreux interprètes qui incluent ce contrepoint, "tel quel", dans leurs récitals ou enregistrements.

  • 2 bis - variante : Bach aurait laissé intentionnellement la dernière fugue inachevée, telle une énigme musicale — soit pour inviter d'autres compositeurs à deviner ses intentions musicales, soit pour qu'ils trouvent eux–mêmes leur solution8.

  • 3 - Le thème principal peut se combiner aux trois autres. La "fuga a tre soggetti" est en fait une "fuga a quattro soggetti" et couronne l’œuvre avec du jamais vu.

L'Art de la Fugue BWV 1080

 

L'Art de la fugue (en allemand : die Kunst der Fuge) est une œuvre inachevée de Johann Sebastian Bach (BWV 1080). Bach a commencé sa composition aux alentours de 1740 ou 1742, et l'a mise au propre vers 1745. Cette première version contient 12 fugues et 2 canons. Il a poursuivi le travail jusqu'à sa mort, en 1750. La seconde version, publiée après la mort de Bach en 1751, contient 14 fugues et 4 canons, mais elle comporte des erreurs et des incertitudes dans l'ordre des contrepoints. Lorsque Bach mourut (1750), la gravure n'était pas terminée, et l'édition a été supervisée et achevée par son fils Carl Philipp Emanuel Bach. Les éditeurs y ont ajouté le choral Vor deinen Thron tret ich hiermit (BWV 668), bien que celui-ci n'ait pas de lien avec le reste de l'œuvre.

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L'Art de la fugue est souvent jouée au clavier (orgue, clavecin, piano) et il est couramment admis que l’œuvre fut composée pour le clavier, bien que ce point ait été contesté surtout entre 1930 et 1970, et le reste parfois encore.

Considéré depuis longtemps comme l'œuvre ultime de Bach (bien que ce point de vue ait été remis en cause1), L'Art de la fugue représente l'apogée de son style d'écriture, le sommet du style contrapuntique et l'une des plus grandes prouesses de la musique occidentale.

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L'Art de la fugue a inspiré ou émerveillé bon nombre de compositeurs qui l'ont redécouverte, parmi lesquels Mozart, Beethoven et Alban Berg. La référence à l'écriture contrapuntique de Bach, telle un modèle absolu de rigueur et de perfection, se retrouve dans plusieurs de leurs œuvres : la Neuvième Symphonie de Beethoven, la Symphonie Jupiter ou La Flûte enchantée de Mozart.

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L'œuvre a parfois été considérée comme un exercice intellectuel sur le contrepoint que Bach ne destinait pas à être joué. Si faire entendre l'ensemble (une bonne heure de contrepoint en ré mineur) ne faisait peut-être pas partie des intentions de l'auteur, les contrepoints, pris individuellement, ne se distinguent pas du reste de la production du Cantor ; or celle-ci a toujours été destinée à être pratiquée. De plus, les nombreux concerts, éditions et enregistrements consacrés à L'Art de la Fugue ont manifesté son appartenance au répertoire, plutôt qu'à la bibliothèque.

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L’œuvre semble inachevée. En effet, le manuscrit du contrepoint XIX s'arrête au milieu de la mesure 239, mais la question de son appartenance au recueil est toujours controversée. 

B-A-C-H : l'adieu à la lumière ?

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Cette œuvre est dite « inachevée », en particulier parce que le contrepoint 19 nous est parvenu sous une forme fragmentaire. Le manuscrit autographe s'interrompt sur la phrase suivante, de la main de son fils Carl Philipp Emanuel : « Sur cette fugue où le nom de BACH est utilisé en contre-sujet, est mort l'auteur » . Ce témoignage est cependant douteux, dans la mesure où l'écriture encore bien affirmée ne semble révéler aucun des problèmes de santé dont Bach aurait souffert sur la fin de ses jours (cataracte et, probablement, paralysie partielle de la main).

 

Bach fut opéré à deux reprises par Taylor, d'abord entre le 28 et le 31 mars 1750, puis entre le 5 et le 7 avril. Selon la pratique de l'époque, Bach fut sans doute assis et maintenu par un assistant en l'absence d'anesthésie. Taylor utilisait une spatula afin d'appuyer sur la paupière supérieure afin de presser les nerfs et de parvenir à réduire a douleur au prix de dommages aux nerfs. Taylor préférait aussi opérer principalement l'œil gauche au détriment du droit car... il était droitier. En outre, il couvrait les incisions pratiquées par des bandages, ce qui augmentait le risque d'infections. Les patients avaient le droit de les retirer 5 à 6 jours après l'opération, une fois le "docteur" hors de portée.

La première opération fut conforme à la pratique de l'abaissement du cristallin telle que décrite plus haut et sur la gravure de Schnitzlein, mais ne s'avéra pas suffisante en dépit d'une amélioration (il faut cependant prendre cette assertion avec prudence, car la "guérison" de Bach - relayée par les journaux locaux tels le Vossische Zeitung ou le Berlinische Privil. Zeitung  - peut n'être que le fruit des talents de communicant de Taylor). La seconde rendit Bach totalement aveugle et souffrant. On ne sait pas si les deux yeux furent opérés séparément ou non, quel traitement fut prescrit (laxatifs, mercure, collyres de sang de pigeon, sucre pulvérisé, sel...) et quelles complications survinrent (glaucome, hémorragies, détachement de la rétine...) menant le Cantor au trépas.  Enfin, Bach est censé avoir retrouvé la vision 10 jours avant son décès, ce que les praticiens mettent en doute, arguant une possible hallucination visuelle 

Laissons donc le triste et dernier mot à son fils qui nous conte la fin tragique de ce grand compositeur :

"Mû en partie par le désir de servir Dieu et son prochain des forces toujours vives de son âme et de son corps, en partie par les conseils de certains de ses amis qui avaient grande confiance en un médecin des yeux qui venait alors d'arriver à Leipzig, il [Bach] voulut remédier à cette maladie [des yeux] par une opération. Non seulement il ne recouvra pas la vue, mais son corps, par ailleurs encore si sain, fut complètement perdu par là-même,, par certains médicament néfastes qui furent ajoutés et diverses autres choses, si bien que la maladie ne le quitta presque jamais ensuite pendant six mois entiers. Dix jours avant sa mort, l'état de ses yeux sembla soudain s'améliorer, si bien qu'au matin, il put voir très bien et supporter la lumière. Quelques heure plus tard, cependant, il fut frappé d'un coup de sang, suivi d'une forte fièvre à la suite de laquelle il s'en fut paisiblement, malgré tous les soins possibles de deux des médecins les plus habiles de Leipzig, le 28 août 1750, à neuf heure un quart du soir, dans la soixante-neuvième année de son âge".

C.P.E. Bach et J.-F. Agricola, Nécrologie de Johann Sebastian Bach (trad. G. Cantagrel)

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