Le piano à quatre mains
Aquarelle, 1896, par Adalbert Franz Seligmann (1862–1945). La résidence de Johann Esterhazy en Hongrie, où Schubert se rend en 1818 puis en 1824 comme précepteur des deux filles Marie et Caroline Esterhazy
1866 Musée de l'Hermitage
1897-1898
Les quatre-mains de Schubert
Par Geoffroy Pignol / 1 décembre 2002
Aucun autre musicien ne peut se vanter d'avoir écrit 32 œuvres originales pour quatre mains, et cela, même si l'on sait que Schubert fut un compositeur extraordinairement prolixe. Le quatre-mains, tout comme le lied, répond exactement à sa soif d'amitié sincère et partagée : deux interprètes communiant dans le Haulische Musikpflege, le plaisir musical de l'intimité. Il règne dans le quatre-mains une ambiance particulièrement propice aux développements poétiques du « Wanderer ».
Deux remarquables ensembles, constitués chacun de trois œuvres composées durant la même période, forment le cœur de la production pour piano à quatre mains de Schubert. La première trilogie remonte à l'été 1824 où, pour la seconde fois, Schubert est invité par le comte Esterhazy à aller passer l'été dans sa résidence de Zseliz, en Hongrie. Alors âgé de 27 ans, Schubert sort d'une longue crise de doute sur ses chances d'être enfin reconnu comme compositeur à Vienne. L'hiver s'est terminé sur les dramatiques quatuors en la mineur (D. 804) et ré mineur (D. 810), celui de La Jeune Fille et la Mort. Pour lui, c'est donc l'occasion de reprendre des forces en s'exilant quelque temps de la vie viennoise. De plus, jouissant tout de même d'une certaine réputation à Vienne, il est traité au sein de la famille en véritable hôte de marque, ce qui n'avait pas été le cas lors de son premier séjour à Zseliz, six ans plus tôt. Il exerce la fonction de maître de musique et on attend de lui des œuvres pouvant s'inscrire dans le cadre intime du foyer... Or, quels genres se prêtent mieux à cette douce intimité que le quatre-mains ou le lied ?